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Face aux émeutes, le monde de l’assurance cherche un nouveau modèle de gestion du risque

Dernière mise à jour : 24 sept.

assurance émeute Finengy
Les récents épisodes de violences urbaines en France ont mis en lumière un problème croissant pour les assureurs : le coût de plus en plus élevé des émeutes.

En deux ans, ces événements ont généré plus de 1,7 milliard d’euros de pertes pour le secteur, remettant en question la soutenabilité du système actuel.

🔥 Un risque en forte progression à l’échelle mondiale

Lors des Rendez-vous de septembre à Monte-Carlo, un événement majeur du secteur de la réassurance, le sujet des émeutes et mouvements sociaux (SRCC – strikes, riots and civil commotion) a été largement débattu. Selon Swiss Re, plus de 70 pays ont connu des manifestations d’ampleur au cours des 12 derniers mois. Le phénomène est global, et les assureurs s’inquiètent de devoir en assumer seuls les conséquences financières.

« Quelqu’un doit bien supporter le coût de ces dégâts », a rappelé Urs Baertschi, directeur général de la réassurance dommages chez Swiss Re.

🇫🇷 Une situation particulièrement tendue en France

En France, les violences urbaines de l’été 2023 ont causé 730 millions d’euros de dommages, suivies par plus d’un milliard d’euros de pertes en Nouvelle-Calédonie au printemps 2024. Ces événements ont ravivé les tensions entre assureurs, réassureurs et pouvoirs publics.

Plusieurs compagnies, dont Allianz France, Generali et Groupama, menacent de se retirer du marché calédonien, dénonçant :

  • la flambée des coûts de réassurance,

  • le désengagement progressif des réassureurs,

  • et l’augmentation des seuils de couverture imposés par la Caisse centrale de réassurance (CCR).

Par ailleurs, l’État a refusé d’indemniser les assureurs ayant engagé des recours pour défaut de maintien de l’ordre, aggravant les tensions.

⚠️ Un modèle jugé « insoutenable »

Pour France Assureurs, la fédération du secteur, le système actuel repose trop lourdement sur le privé. Sa présidente, Florence Lustman, alerte : sans définition claire du risque, partage des responsabilités et implication de l’État, les garanties contre les émeutes pourraient disparaître dès janvier 2025.

« Ce qui se passe en Outre-mer est un signal d’alerte pour la métropole », prévient-elle.

🏛️ Vers un régime public-privé inspiré des catastrophes naturelles ?

Une proposition de loi a été adoptée au Sénat en juin, visant à rendre obligatoire une garantie contre les violences urbaines dans les contrats des collectivités locales. Si l’initiative est saluée pour avoir ouvert le débat, elle est jugée insuffisante, voire risquée en l’état actuel.

France Assureurs propose plutôt un mécanisme de coassurance entre l’État et les assureurs, calqué sur le modèle des catastrophes naturelles. Ce projet, étudié par la Direction générale du Trésor, prévoit :

  • La création d’un fonds émeutes garanti par l’État, doté de 775 millions d’euros.

  • Une répartition des indemnisations entre assureurs et fonds public, selon l’ampleur des sinistres.

  • L’instauration d’une surprime “émeutes” d’environ 5 % sur tous les contrats dommages, dont un tiers alimenterait le fonds.

  • L’intégration obligatoire d’une garantie émeutes dans tous les contrats d’assurance dommages aux biens.

La CCR jouerait un rôle central dans ce dispositif, en tant qu’expert technique et, potentiellement, opérateur du fonds.

🧾 Des spécificités françaises qui compliquent la donne

En France, les émeutes sont généralement couvertes par des options intégrées aux contrats auto, habitation ou professionnels, contrairement à d’autres pays où elles relèvent de garanties spécifiques avec franchises élevées. Cette particularité rend le système plus vulnérable aux chocs.

⚖️ Un besoin urgent de clarification juridique

Les professionnels du secteur, réunis au sein de l’Apref (Association des professionnels de la réassurance en France), insistent sur la nécessité de définir précisément ce qu’est une émeute et ce que couvrirait un éventuel mécanisme public.

« Si l’État peut qualifier un événement d’émeute sans avoir assuré le maintien de l’ordre, cela revient à faire porter la facture au privé, ce qui est contre-productif », explique Benoît Hugonin, président de l’Apref.

Un risque de conflit d’intérêts est également soulevé : l’État serait à la fois responsable du maintien de l’ordre et gestionnaire d’un fonds d’indemnisation, ce qui pourrait poser des problèmes d’impartialité.
 
 
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