Après plusieurs mois de discussions et d’incertitudes, le projet de rapprochement des activités de gestion d’actifs entre BPCE (maison-mère de Natixis) et Generali, annoncé en janvier 2025, ne se concrétisera pas. L’abandon a été officialisé le 11 décembre, confirmant les rumeurs qui circulaient depuis plusieurs semaines.
Un projet ambitieux dans un contexte de consolidation européenne
Ce rapprochement devait donner naissance à une co-entreprise en gestion d’actifs, une stratégie motivée par la nécessité pour les acteurs européens de rivaliser avec les géants américains, qui dominent largement le marché mondial. Ces derniers occupent la quasi-totalité des dix premières places du secteur, ce qui pousse les groupes européens à se regrouper pour atteindre une taille critique. Des exemples récents illustrent cette tendance, comme le rapprochement entre Axa et BNP Paribas.
Contrairement à ces opérations classiques de cession, le projet Generali-Natixis reposait sur la création d’une co-entreprise, avec un partage des actifs et des expertises. Natixis devait apporter près du double des encours gérés par rapport à Generali, ce qui posait déjà la question de l’équilibre du partenariat. De plus, les deux groupes disposaient de modèles de gestion issus de fusions antérieures, rendant la complémentarité complexe.
Des interrogations dès le départ
Malgré des travaux préparatoires qui avaient confirmé la valeur industrielle et les bénéfices potentiels du projet, des doutes subsistaient. La diversité des structures internes et des stratégies de gestion d’actifs soulevait des questions sur la capacité à harmoniser les modèles. Ces incertitudes ont été amplifiées par des facteurs externes, notamment politiques et capitalistiques.
Un projet fragilisé par la recomposition du capital de Generali
Le véritable coup d’arrêt est venu d’Italie. Le rapprochement, initialement perçu comme une opération financière et industrielle, s’est rapidement transformé en sujet politique. En 2025, le paysage capitalistique italien a connu de profondes mutations. Mediobanca, premier actionnaire de Generali, a été prise de contrôle par Monte dei Paschi di Siena (MPS) durant l’été. Cette opération a bouleversé les équilibres internes et renforcé l’influence des holdings Caltagirone et Delfin, ainsi que du ministère italien de l’Économie, tous sceptiques vis-à-vis du projet.
Ces acteurs, désormais majoritaires, ont exprimé leur méfiance, voire leur opposition, à la création d’une co-entreprise avec un groupe français. Le rapprochement est devenu un enjeu de souveraineté économique, rendant politiquement délicate toute alliance transfrontalière.
Un rapport de force devenu défavorable
Après la prise de contrôle de Mediobanca par MPS, les partisans du rapprochement, dont Philippe Donnet, directeur général de Generali, se sont retrouvés en minorité. Cette perte d’influence a rendu impossible la poursuite du projet. Malgré les bénéfices industriels identifiés, les obstacles politiques et stratégiques ont eu raison de cette ambition.
Un symbole des défis européens
L’échec du projet Generali-Natixis illustre les difficultés des acteurs européens à s’unir face à la concurrence mondiale. Les enjeux de gouvernance, les divergences stratégiques et les considérations politiques nationales restent des freins majeurs à la consolidation du secteur de la gestion d’actifs en Europe.